D’une image, des mots… Texte #02 : Photosynthèse

Un nouveau texte dans la série liant photos et textes semi-improvisés. Cette fois, cela s’appelle “photosynthèse” et c’est une sorte de parodie de l’histoire de Mary Shelley, Frankenstein, mais peut-être encore plus des stéréotypes qui en ont découlé ensuite.
Bonjour chez vous !

Feuilles d'arbres
Photo : N. Perrier (2016)

Photosynthèse

La création touchait à sa fin. Le docteur Grünestein n’avait plus qu’une petite opération mineure à effectuer avant de pouvoir insuffler à son patient l’énergie nécessaire à son réveil. Il s’empara d’une seringue aux proportions dantesques. Un objet qui aurait fait pâlir n’importe quel malade, mais fort heureusement le patient restait encore inconscient. Un bon coup dans le cœur, une injection de sérum vital, et le professeur retira l’engin. Il vérifia ensuite le bon placement des électrodes et s’approcha du levier contrôlant l’envoi des influx électriques de réveil.

Trois… Deux… Un… Énergie !

Un courant faible parcourut le corps inerte. Ce courant monta lentement en intensité. Plus la stimulation augmentait, plus le patient montrait des signes d’activité. Fort légers tout d’abord, ils finirent par devenir de véritables spasmes plus que perceptibles, jusqu’à parvenir à un stade où le professeur jugea bon de stopper la stimulation.

Il se planta alors devant son protégé, en observant le moindre de ses mouvements.

« Charles. Charles, m’entendez-vous ? Êtes-vous prêt à vous relever ? Prenez votre temps. Prenez tout votre temps, mais commencez doucement à vous lever. Voilà, comme ça. Vous êtes sur la bonne voie. Continuez, tout doucement. Je vais vous aider. »

Soutenu par le docteur, Charles parvint à quitter la table d’opération inclinée sur laquelle il était resté attaché durant des heures. Il lui était toujours impossible de parler, et ses gestes restaient lents et désordonnés, mais il était debout, bien en vie.

« Charles, vous êtes un homme d’un genre nouveau. Nous avons réussi. VOUS avez réussi ! Rares sont les braves qui auraient pu aller jusqu’au bout d’une pareille épreuve. Votre estomac appartient au passé, votre peau a été presque entièrement remplacée. Vous serez le premier homme à survivre grâce à la photosynthèse, le premier homme à se nourrir d’eau et de lumière ! »

Le docteur ne jugea pas utile de rappeler dans l’immédiat que Charles serait amené à se nourrir aussi d’injections sous-cutanées visant à lui fournir des nutriments indispensables. Le contrat le mentionnait, évidemment. En petit et en russe, mais il le mentionnait.

« Charles, votre peau resplendit d’un vert bouteille fabuleux, mais vous chancelez. Vous avez besoin de sommeil maintenant. Allez vous coucher. Demain, vous prendrez votre premier bain de soleil. Date historique ! Historique, croyez-moi ! »

Le docteur aida son patient à se préparer pour cette nuit importante, puis rejoint sa propre chambre. Il eut toutefois bien de la peine à dormir, tant l’anticipation du premier phénomène de photosynthèse humaine lui animait l’esprit.

Le jour se leva. Le docteur courut dans la chambre de Charles. Ce dernier était entièrement desséché, mort. Le lit à bain de pieds n’avait pas suffi. Le docteur nota dans son carnet : « Laisser un morceau d’estomac pour faciliter hydratation. Prévoir humidificateur pour chambre. »

 

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